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Écosystèmes / géosystèmes
Océaniques

Écosystèmes / géosystèmes
Terrestres

GÉOSYSTÈMES CONTINENTAUX: Résultats 2011 - 2014

- Quelle est la dynamique de fonte du pergélisol (bilan thermique, géomorphologie, processus biologiques), et comment affecte-t-elle la mobilisation de carbone organique (Dominé, Lajeunesse) ?

Le bilan thermique du pergélisol conditionne son évolution géomorphologique ainsi que les processus biologiques, ces derniers déterminant la mobilisation du carbone organique. Prédire l'évolution du bilan thermique est complexe, car de nombreuses rétroactions interviennent, qui impliquent le manteau neigeux et la végétation. Concernant le manteau neigeux, nos travaux visent à répondre aux questions suivantes : Comment les modifications de la végétation induite par le réchauffement climatique vont-elles affecter les propriétés physiques de la neige et en particulier sa résistance thermique ? Comment les modifications des propriétés physiques de la neige, et en particulier sa conductivité thermique, vont-elles modifier le régime thermique du pergélisol ? Ces interactions neige-végétation-pergélisol vont-elles rétroagir sur le climat, en particulier par la modulation des émissions de gaz à effet de serre produits par la minéralisation de la matière organique dans le pergélisol en dégel ? En ce qui touche le substrat sédimentaire et les paysages arctiques affectés par la fonte du pergélisol, ces questions sont : Comment le matériel organique et minéral est déstabilisé par la dégradation du sol ? Comment ces particules sont érodées puis transportés vers l'océan, les lacs et les mares de thermokarst ? Quel est le volume de matériel ainsi remobilisé dans les bassins-versants affectés par la fonte du pergélisol ? Pour ce qui concerne le manteau neigeux, notre stratégie a consisté à déployer des instruments permettant de quantifier les flux énergétiques aux interfaces neige-sol et neige-atmosphère, et de mesurer la conductivité thermique de la neige en fonction de la nature du couvert végétal. Ces déploiements ont eu lieu dans des régions subarctiques et arctiques du Canada. Les sites sélectionnés ont été Umiujaq (56°N, toundra arbustive et forestière, pergélisol discontinu) et l'Ile Bylot (73°N, toundra herbacée, pergélisol continu et très épais). Les instruments ont été déployés à Umiujaq en septembre 2012 et à Bylot en juillet 2013. Parallèlement, des campagnes de mesures des propriétés physiques et thermiques de la neige et du pergélisol ont été effectuées pendant
les hivers 2012, 2013 et 2014, et pendant les étés 2012 et 2013. Ces campagnes ont permis de mesurer des propriétés non accessibles aux mesures automatiques, comme la surface spécifique et la densité de la neige, et d'évaluer la variabilité spatiale de toutes les propriétés, en fonction des caractéristiques des couverts végétaux. Pour ce qui concerne le substrat sédimentaire, des trappes à sédiments et des courantomètres de type ADCP ont été installés dans un cours d'eau dans le secteur d'Umiujaq afin de suivre le transport sédimentaire pendant l'été. Des levés géophysiques ont aussi été réalisés en mer afin d'observer les patrons de sédimentation. Sur l'Île Melville (73°N, désert polaire, pergélisol continu et très épais), des levés géophysiques sont réalisés dans des lacs afin d'observer les effets de la déstabilisation des terrains sur la sédimentation et les mouvements de masse sous-lacustres.
Les premières données d'Umiujaq sont actuellement disponibles et en cours d'analyse. À court terme, elles vont permettre de contraindre des modélisations des propriétés physiques de la neige et du régime thermique du pergélisol effectuées en collaboration avec le CNRM-GAME et le LGGE (Grenoble). À moyen terme, nos résultats, associés à ceux d'autres chercheurs d'ADAPT, et aux modélisations de nos collaborateurs français, permettront de quantifier les émissions de gaz à effet de serre du pergélisol et les rétroactions neigevégétation-climat-pergélisol. Ces travaux contribueront à améliorer la fiabilité des prévisions du climat arctique en particulier et plus généralement du climat planétaire.

- Comment les communautés bactériennes des mares de thermokarst réagissent-t-elles aux changements en cours, et comment cela se traduit-il en terme de production de gaz à effet de serre (CO2 et CH4) (Vincent, Lovejoy) ?

Les milieux aquatiques continentaux arctiques sont en général en expansion du fait du dégel du pergélisol. Une grande partie du carbone érodé lors du dégel du pergélisol est transporté vers les milieux aquatiques et il est donc indispensable d'en connaitre les communautés microbiennes pour espérer quantifier les transformations de ce carbone, notamment en gaz à effet de serre. Nos travaux se déroulent à travers un gradient de conditions du pergélisol dans l'Arctique canadien, de la limite nord du pergélisol continu dans le désert polaire du Haut-Arctique, jusqu'aux limites sud du pergélisol discontinu, sporadique et isolé de la toundra forestière subarctique. Notre travail montre que l'ensemble de ces milieux contiennent remarquablement diverses communautés dans les trois domaines microbiens: bactéries, archées et eucaryotes; par exemple, dans les canaux d'eau sur le pergélisol (Steven et al 2013 PloS One); dans les lacs stratifiés avec bassins versants désertiques polaires (Comeau et al 2012 Science Reports); et dans les mare de thermokarst (Rossi et al. 2013). Nos résultats expérimentaux montrent que les conditions de lumière limitantes favorisent les dinoflagellés, tandis que l'exposition directe au plein soleil favorise les chrysophytes, dont beaucoup sont mixotrophes. Ces réponses suggèrent que le réchauffement et la fonte des glaces sur les lacs de l'Arctique pourraient entraîner un changement dans les communautés de protistes et modifier ainsi les mécanismes de transfert du carbone vers des niveaux trophiques supérieurs (Charvet et al. 2014). Nous avons de plus découvert que les mares de thermokarst subarctiques sont toutes de forts émetteurs de dioxyde de carbone et de méthane. Ces recherches sont actuellement dans leur phase d'acquisition de données, mais les analyses préliminaires indiquent déjà que les émissions de gaz à effet de serre sont le résultat net des processus de production et de consommation des gaz par les réseaux microbiens complexes. Les plus grandes concentrations de CH4 et de CO2 (ordres de grandeur au-dessus l'équilibre de l'air) se produisent dans les mares de thermokarste où le pergélisol est en pleine mutation. Nos mesures automatisées d'oxygène dans ces lacs tout au long de l'année suggèrent que les échanges gazeux avec l'atmosphère ont lieu surtout pendant la période de mélange convectif à l'automne. Notre objectif est d'intégrer ces résultats avec les informations sur le climat, le sol, la végétation et la microbiologie, dans le cadre conceptuel du projet ADAPT (Vincent et al. 2013. Adapting to pergélisol change: A science framework. Eos 91: 373-375).


- Quels sont les modes de transport des métaux lourd issus d'activités minières dans ces environnements, et comment intègrent-ils la chaine trophique (Pienitz)?

Dans le cadre du programme « Arctic Metals », notre attention s'est portée sur la phyto-disponibilité des métaux Ni, Zn, Hg, Se, et Pb dans les sols (zone active en surface) qui entourent les lacs étudiés (région de la côte est de la baie d'Hudson). Pour ce faire, nous avons échantillonné et analysé les sols sur le pourtour des lacs thermo-karstiques ainsi que les arbustes qui les bordent. Les concentrations des métaux ont été déterminées dans l'eau et les sédiments (carottes, trappes à sédiments) de lac et dans la végétation du bassin versant (herbes, arbustes, baies) entourant les lacs afin d'estimer le flux de métaux transférés vers la végétation et les systèmes aquatiques en comparaison avec le stock disponible dans les sols. Le fractionnement isotopique de certains métaux peut nous renseigner sur la façon selon laquelle ces derniers voyagent dans les plantes (adsorption, diffusion, translocation, etc.). Les données sur les sédiments de fond et en suspension dans l'eau nous permettront de définir un cadre pour l'interprétation des données des métaux dans le système sols-plantes. Les échantillons nécessaires pour la réalisation de ce projet ont été collectés au cours de trois missions de terrain distinctes en Août 2011, 2012 et 2013 aux environs de la station de recherche du Centre d'Étude Nordiques (CEN) à Whapmagoostui-Kuujjuarapik (Canada), en étroite collaboration entre les chercheurs du CEN et du CNRS (GET, Toulse ; EPOC, Bordeaux ; IPREM, Pau ; CRPG et LCPME, Nancy). Les travaux d'analyse sont présentement en cours dans les différents laboratoires du CNRS et du CEN, et feront l'objet de présentations lors de congrès et de publications d'articles scientifiques en 2014-2015.